Bienvenue dans « Les Codes du Jeu », notre rubrique dédiée aux rouages créatifs et techniques de la conception des jeux vidéo. Aujourd’hui, plongeons au cœur d’un aspect à la fois technique et émotionnel : la musique et le sound design, éléments centraux pour façonner une expérience immersive unique.
Imaginez jouer à votre jeu vidéo préféré sans le moindre son. L’expérience semblerait soudain bien fade : plus de musique épique pour accompagner vos victoires, plus de bruitages pour vous alerter d’un danger imminent. Le son – qu’il s’agisse de la musique ou du sound design (bruitages, effets sonores, mixage) – constitue un pilier fondamental du média jeu vidéo. Ce n’est pas un hasard si George Lucas affirmait que le son représente 50% de l’expérience d’un film, et il en va de même pour le jeu vidéo. Une mélodie bien choisie ou un effet sonore percutant peuvent intensifier l’immersion, véhiculer des émotions puissantes, et même fournir des informations cruciales au joueur. Qui n’a jamais tressailli en entendant le clic inquiétant d’un ennemi caché, ou senti son adrénaline monter lorsque la musique accélère à l’approche d’un boss ? Dès les premiers instants, le son place le joueur dans l’ambiance : le grincement d’une porte dans Resident Evil fera frissonner d’angoisse, là où le « ting ! » d’une pièce collectée dans Sonic apportera une petite bouffée de satisfaction
En somme, musique et bruitages parlent à nos sens et à notre affect, sans même qu’on y prête consciemment attention. Dans cet article, nous explorerons l’importance du sound design et de la musique dans les jeux vidéo, à la fois sur le plan technique (composition, design sonore, mixage) et dans leur rôle émotionnel et immersif. Nous retracerons un bref historique de leur évolution, détaillerons quelques techniques clés (musique adaptative, spatialisation audio, conception des effets sonores…), et nous plongerons dans des études de cas de jeux marquants – de l’indépendant Celeste au blockbuster The Last of Us – qui ont su utiliser le son comme l’un de leurs « codes » les plus puissants.
Table des matières
- Historique et évolution du sound design dans le jeu vidéo
- Techniques modernes de musique et sound design
- Musique adaptative et interactive
- Bruitages et design des effets sonores
- Spatialisation sonore et audio 3D
- Étude de cas n°1 – Celeste : Musique et sound design au sommet
- Étude de cas n°2 – The Last of Us : Réalisme sonore et mélodies du désespoir
- Étude de cas n°3 – Hellblade: Senua’s Sacrifice : Une immersion sonore totale dans la psychose
- Autres exemples marquants et héritage
- Conclusion – La musique et le sound design au coeur de l’expérience JV
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Historique et évolution du sound design dans le jeu vidéo
Les jeux vidéo n’ont pas toujours bénéficié des somptueuses bandes-son orchestrales que l’on connaît aujourd’hui. Aux origines, dans les années 1970-1980, la musique et les sons de jeu devaient tenir dans quelques octets de mémoire. On parlait de chiptune : des mélodies simples générées par 3 ou 4 canaux sonores maximum (généralement trois ondes sonores pour la musique et un canal de bruit pour les effets)
Malgré ces contraintes extrêmes, les pionniers du jeu vidéo ont vite compris l’intérêt du son. Space Invaders (1978) fut le premier jeu à proposer une musique d’arrière-plan continue pendant la partie – en l’occurrence un motif minimaliste de quatre notes descendant en boucle. Surtout, cette boucle avait la particularité d’accélérer au fur et à mesure que les aliens se rapprochaient du joueur, intensifiant le stress et l’urgence de la situation.
Ce trucage ingénieux, né autant de la nécessité technique que d’une décision de game design, montrait déjà qu’une musique interactive pouvait augmenter le plaisir et la tension ressentis par le joueur. D’autres classiques des années 1980 ont également utilisé le son de façon astucieuse – par exemple, dans Super Mario Bros. (1985), le thème musical bien connu se met à s’emballer quand le temps imparti touche à sa fin, signal sonore universel qu’il faut se dépêcher sous peine de perdre la partie.
Par ailleurs, malgré la simplicité des puces audio de l’époque, de nombreuses compositions de jeux 8-bit sont devenues cultes : les thèmes de Mario, de Zelda, de Tetris ou de Mega Man restent encore aujourd’hui gravés dans la mémoire collective de toute une génération de joueurs. Preuve de cette empreinte culturelle, on voit de nos jours des concerts symphoniques reprendre les musiques de jeux rétro – le Nintendo Symphony Orchestra ou le concert Distant Worlds: Music from Final Fantasy jouent à guichets fermés les mélodies composées à l’origine pour des consoles 8 ou 16-bit.
Le début des années 1990 marque un tournant majeur. D’une part, le support CD-ROM fait son apparition sur consoles et PC, permettant de stocker des pistes audio pré-enregistrées de haute qualité. Les développeurs peuvent alors utiliser de la vraie musique enregistrée, sans se limiter aux synthétiseurs des puces sonores.
La PlayStation (1994) notamment popularise les bandes-son en qualité CD : fini les bip-bips, on peut avoir des morceaux complets avec voix, guitares, orchestres… La qualité audio n’est plus limitée que par le soin apporté au mixage du morceau. Cela ouvre la voie à des bandes originales ambitieuses, parfois enregistrées avec des moyens dignes du cinéma. Par exemple, Final Fantasy VII (1997) sur PlayStation, bien qu’encore principalement MIDI, inclut un thème final chanté et pave le chemin vers l’enregistrement d’orchestres symphoniques complets dans les épisodes suivants de la série.
D’autre part, c’est aussi au début des 90s que naissent les premières musiques adaptatives plus avancées. En 1991, les compositeurs Michael Land et Peter McConnell de LucasArts développent le système iMUSE (Interactive Music Streaming Engine) pour le jeu Monkey Island 2. Ce moteur, révolutionnaire pour l’époque, permet de synchroniser et modifier la musique en temps réel selon l’action du joueur. Ainsi, dans Monkey Island 2, lorsqu’on passe d’une zone à l’autre, le thème musical change progressivement, sans rupture brutale, en s’adaptant au nouvel environnement. La musique devient réactive: c’est un véritable accompagnement dynamique qui « suit » le joueur pas à pas, un peu comme un orchestre s’ajustant au film pendant la projection. Cette avancée préfigure l’intégration toujours plus poussée entre gameplay et musique dans les années à venir.
Au cours des décennies suivantes, l’évolution technologique ne cesse d’élargir le champ des possibles pour le son dans les jeux. Les consoles de 5ᵉ et 6ᵉ génération (Nintendo 64, PlayStation 2, etc.) apportent le support du son surround : on peut positionner des sources dans un espace 3D virtuel et restituer le son sur plusieurs haut-parleurs (5.1, voire 7.1). La spatialisation gagne en précision, si bien que le joueur peut entendre un ennemi arriver derrière lui ou au-dessus de lui, et non plus seulement à gauche ou à droite. Les processeurs audio dédiés deviennent capables d’appliquer des effets en temps réel sur la musique et les bruitages. Par exemple, on peut simuler l’acoustique d’un lieu : un coup de feu tiré dans une caverne résonnera avec de l’écho, tandis que le même coup de feu en plein air sera sec et bref.
De même, les jeux commencent à ajuster dynamiquement le mixage audio en fonction de la situation : dans un jeu de course ou de sport extrême, si le joueur prend son envol lors d’un saut, la musique peut se filtrer ou diminuer en volume pour laisser en avant le bruit du vent durant l’apesanteur, puis revenir progressivement une fois sur la terre ferme. Les jeux d’action/aventure orchestrent souvent la musique selon l’intensité du moment – calme pendant l’exploration, rythmée et plus forte en combat – tandis que les jeux d’infiltration modulent l’ambiance sonore pour signaler au joueur s’il est caché ou s’il a été repéré. Tout cela contribue à rendre l’expérience plus immersive et à communiquer des informations de gameplay via le son.
Aujourd’hui, sur consoles modernes (PS5, Xbox Series) et PC haut de gamme, les capacités audio sont telles qu’il n’y a pratiquement plus de limites techniques : on peut diffuser des centaines de voix sonores simultanées en haute qualité, utiliser des algorithmes de réverbération sophistiqués et des technologies de son 3D comme le Dolby Atmos, le tout en temps réel. Le son dans les jeux vidéo a atteint un niveau de fidélité et de complexité équivalent à celui du cinéma, avec en prime l’interactivité propre au médium. En quelques décennies, on est passé de quelques bips monotones à de véritables paysages sonores riches et dynamiques, contribuant pleinement à l’identité des jeux et à l’engagement des joueurs.
Techniques modernes de musique et sound design
Grâce à cette évolution technologique, les concepteurs disposent aujourd’hui d’un vaste arsenal de techniques audio pour donner vie aux univers virtuels. Voici quelques-uns des aspects techniques les plus importants en matière de musique et de sound design vidéoludique, et comment ils participent à l’immersion et aux émotions du joueur.
Musique adaptative et interactive
Contrairement à une musique de film linéaire, la musique de jeu vidéo peut être non-linéaire, c’est-à-dire qu’elle s’adapte en temps réel aux actions du joueur ou aux états du jeu. L’idée est que la bande-son réagisse au gameplay, un peu comme un second narrateur. Cette adaptation prend de multiples formes. Certaines bandes-son sont composées de couches modulables : un même morceau est enregistré avec plusieurs niveaux d’instruments ou d’intensité, et le jeu ajoute/retire des couches selon la situation. Par exemple, en exploration on n’entendra qu’une mélodie discrète, puis si un combat débute, des percussions et des cuivres s’ajoutent progressivement pour renforcer la tension. Ce mixing adaptatif évite les ruptures soudaines et soutient le rythme de l’action de manière fluide.
D’autres jeux opèrent par transitions musicales : ils passent d’un thème à un autre via des points de synchronisation, souvent en suivant la progression du joueur. On a vu que dès 1978, Space Invaders utilisait la variation du tempo pour signifier l’imminence du danger, ou que Super Mario Bros accélérait son thème en fin de timer. Depuis, la palette s’est élargie – les jeux contemporains peuvent transposer une piste musicale en changeant la tonalité pour passer d’une ambiance calme à une ambiance plus sombre, ou déclencher un riff particulier lorsque le joueur accomplit une action héroïque.
L’objectif de la musique adaptative est d’éviter la monotonie et de coller au plus près de l’expérience du joueur, tant sur le plan du gameplay (indiquer par la musique que l’ennemi vous a repéré, par exemple) que de l’émotion (accentuer une montée dramatique, souligner un moment de tristesse, etc.). Un exemple célèbre de musique adaptative réussie est Journey (2012) : le jeu de That Game Company comporte une partition orchestrale qui évolue dynamiquement tout au long du voyage initiatique du joueur, sans aucune parole ou interface – la musique « raconte » l’émotion du périple et a valu au compositeur Austin Wintory une nomination historique aux Grammy Awards?
De nos jours, presque tous les AAA (jeux à gros budget) utilisent à un degré ou un autre ces techniques interactives, parfois via des outils audio middleware (tels FMOD, Wwise) qui permettent aux développeurs de paramétrer des comportements musicaux en fonction d’événements du jeu.
Bruitages et design des effets sonores
La musique n’est qu’un pan de l’identité sonore d’un jeu – l’autre pan, ce sont tous les effets sonores qui donnent vie à l’action : bruit de pas, coups, explosions, sons d’interface, cris de créatures, ambiance environnementale (pluie, vent, échos…). Ce travail sur les bruitages s’appelle le sound design à proprement parler. Son rôle est double : crédibiliser l’univers (un pistolet doit sonner comme un pistolet, un pas sur du métal ne sonne pas comme un pas sur de l’herbe) et renforcer l’immersion/mood (des sons bien choisis peuvent rendre un monde futuriste tangible ou accentuer l’angoisse d’un lieu hanté). Les sound designers utilisent souvent la méthode du Foley issue du cinéma : ils enregistrent des sons réels en studio ou en extérieur, qu’ils synchronisent ensuite avec les animations du jeu. Ainsi, pour obtenir un bruit de squelette qui s’effondre, on peut enregistrer de vrais os (ou plutôt des bâtons, du céleri qu’on casse, etc. – la débrouille et la créativité priment !). Pour un bruit de pas dans la neige, on piétine de la farine ou de la maïzena près d’un micro. Ce degré d’attention au détail existe même dans des jeux indépendants : Hollow Knight, par exemple, a fourni un soin méticuleux à ses bruitages environnementaux et à ses effets sonores organiques – chaque type de surface possède une résonance distincte (sols rocheux, marécages, cavernes humides), et les créatures émettent des sons uniques et reconnaissables. Le studio Team Cherry a enregistré et manipulé de nombreuses textures sonores pour donner à chaque interaction une sensation tactile précise, que ce soit le rebond métallique du clou du héros contre une paroi ou les cliquetis inquiétants des insectes cachés dans l’ombre.
Côté jeux AAA, les équipes son multiplient les sessions de prise de son sur le terrain. Derrick Espino, sound designer senior sur The Last of Us, raconte que le premier son qu’il a créé pour le jeu fut l’enregistrement in situ d’une cassette audio qu’on insère dans un autoradio – il s’est assis dans son propre pickup avec un micro pour capter fidèlement le clac et le frottement de la cassette, afin de sonoriser une scène précise entre les deux protagonistes.
Ce niveau de réalisme, imperceptible consciemment, contribue pourtant à rendre l’expérience cohérente et crédible. Le mixage entre en jeu pour équilibrer tous ces éléments sonores. En temps réel, le moteur audio du jeu doit gérer la hiérarchie des sons : par exemple baisser le volume de la musique ou des bruits d’ambiance lorsqu’un personnage parle, afin que le joueur comprenne le dialogue. Inversement, dans un moment d’exploration sans événement majeur, la musique peut reprendre le dessus et les bruitages de fond être atténués. Ce mix évolutif sert la lisibilité de l’action et l’émotion : un soudain silence musical peut signaler un danger tout proche, ou au contraire, une absence totale de bruit (silence complet) peut être utilisée pour créer un sentiment oppressant avant un sursaut (certains survival horrors jouent très bien de ces contrastes entre silence et cacophonie soudaine pour effrayer le joueur).
Enfin, soulignons le rôle du feedback sonore dans le game design : un bon jeu utilise ses sons pour informer le joueur en permanence. Le son « coin » quand Mario ramasse une pièce, le petit jingle de réussite quand un puzzle est résolu, ou le son strident qui vous alerte que votre personnage n’a plus qu’un point de vie – tous ces indices audio guident le joueur et récompensent ses actions. On voit donc que le sound design, au-delà de la musique, touche aussi bien à la technique (enregistrement, synthèse, implémentation) qu’à la psychologie du joueur (réactions conditionnées aux sons, émotions ressenties). C’est un art subtil où chaque clic, chaque souffle compte.
Spatialisation sonore et audio 3D
La spatialisation consiste à positionner les sources sonores dans l’espace virtuel du jeu de façon réaliste. En stéréo classique, on ne peut qu’équilibrer le son entre la gauche et la droite. Mais le cerveau humain localise les sons sur 360°, en percevant notamment les différences de délai, de phase et de timbre qui indiquent si un bruit vient de derrière nous ou d’au-dessus. Les concepteurs audio utilisent donc les avancées du son surround et du son binaural pour recréer ces effets. Avec un bon casque ou un home cinema compatible, le joueur peut entendre les bruits « comme s’ils venaient de partout autour de lui » : le craquement d’une branche derrière lui, le tonnerre qui gronde au-dessus, ou les balles qui sifflent en passant à sa gauche. Cette spatialisation renforce énormément l’immersion – on a l’impression d’être physiquement présent dans la scène – mais elle a aussi un impact direct sur le gameplay. Dans les jeux d’horreur, un son spatial bien utilisé peut provoquer un sursaut panique (le monstre qu’on entend approcher par derrière avant de le voir). Dans les jeux compétitifs (FPS, battle royale), la localisation précise des sons de pas ou de tirs permet aux joueurs d’anticiper un adversaire hors-champ, donnant un avantage tactique. « Un bon design sonore peut être aussi important qu’un indice visuel », résume Debbie Gonzalez du studio Sound Lab, notant par exemple que si l’on ne voit pas un ennemi arriver, on peut malgré tout l’entendre venir grâce à ses bruits de pas
Aujourd’hui, des technologies comme Dolby Atmos ou le son 3D Tempest de la PS5 ajoutent une dimension supplémentaire en simulant des sources sonores en hauteur et en profondeur, enveloppant le joueur dans un véritable dôme auditif. Le résultat, quand il est bien maîtrisé, est un environnement sonore crédible où l’on peut fermer les yeux et presque sentir l’espace du jeu rien qu’avec ses oreilles.
Étude de cas n°1 – Celeste : Musique et sound design au sommet
Parmi les jeux indépendants récents, Celeste (Matt Makes Games, 2018) est un exemple éclatant de l’importance de la musique et du sound design dans l’expérience de jeu. Celeste est un platformer en pixel art dans lequel le joueur incarne Madeline, une jeune fille déterminée à gravir une montagne tout en luttant contre ses démons intérieurs (angoisse, doute de soi…).
Ce postulat original est sublimé par une bande-son exceptionnelle composée par Lena Raine, qui a largement contribué à l’impact émotionnel du jeu. La musique de Celeste est un mélange onirique de sonorités rétro (synthés inspirés de l’ère 16-bit) et de touches plus modernes (piano feutré, effets électro), le tout porté par des mélodies mémorables. Elle a été saluée par la critique et a remporté plusieurs récompenses dans les festivals et cerémonies de jeu vidéo.
Au-delà de sa beauté intrinsèque, la bande-son de Celeste est remarquablement intégrée au gameplay et au message du jeu. Lena Raine a délibérément composé la musique pour qu’elle accompagne le joueur dans l’effort, plutôt que de sanctionner ses échecs. Celeste est connu pour sa grande difficulté et ses innombrables morts lors de l’ascension de la montagne. Or, contrairement à la plupart des jeux d’action, la musique ne redémarre pas sèchement à chaque fois que l’on meurt. Les morceaux ont de longues boucles planantes, et si Madeline fait une chute mortelle (ce qui arrive souvent), la musique continue sans interruption, évitant de rajouter de la frustration auditive au joueur. Comme l’explique la compositrice, “c’est un jeu très difficile où l’on échoue encore et encore – mais le jeu et la musique ne travaillent pas contre vous. Ils vous disent : tu peux le faire, tu vas y arriver !”. En effet, tout dans Celeste est pensé pour encourager la persévérance. La mécanique de respawn instantané incite à enchaîner les tentatives, et la musique soutient psychologiquement le joueur au lieu de l’accabler. Pas de jingle sarcastique de défaite, pas de changement brutal de tonalité pour signifier qu’on a perdu – au contraire, la bande-son garde un ton bienveillant, presque calme, malgré la tension du challenge. Ce choix va à l’encontre des conventions du genre die & retry, et il s’avère très efficace pour maintenir le joueur dans « le flow » de la progression.
Autre prouesse de la musique de Celeste : son évolution adaptative tout au long des niveaux. Plusieurs morceaux du jeu sont construits de façon évolutive, ajoutant des couches instrumentales au fil de la progression de Madeline. Un exemple marquant est le thème du chapitre final, “Reach for the Summit”, qui dure plus de 10 minutes : il débute de manière épurée lorsque l’ascension commence, puis s’enrichit progressivement de rythmes et de chœurs synthétiques à mesure que l’on gravit les différentes sections de la montagne, intégrant même des variations des thèmes musicaux des chapitres précédents en guise de clin d’œil. Le joueur, après avoir surmonté chaque étape difficile, est récompensé par une musique de plus en plus étoffée, créant un sentiment d’accomplissement grisant. La montée musicale culmine en même temps que l’atteinte du sommet, procurant une émotion intense de triomphe. Cette synchronisation subtile entre gameplay et musique – sans aucune intervention du joueur, purement basée sur son avancement – illustre parfaitement l’idée de musique adaptative émotionnelle. (À écouter : le thème final “Reach for the Summit” ci-dessous, qui illustre ces ajouts progressifs d’intensité musicale au fil de l’ascension.)
Mais Celeste ne brille pas uniquement par sa musique. Son sound design global a également été soigné avec une rare minutie pour un jeu indépendant. Les bruitages participent grandement au ressenti tactile et à l’immersion. Chaque type de surface ou d’obstacle possède des sons spécifiques : les pas crissent différemment sur la neige que sur la pierre, les plateformes dash apparaissent avec un petit son cristallin, les orbes d’endurance émettent une tonalité scintillante quand on les attrape, etc. Cette variété sonore riche donne du caractère à chaque écran de jeu. Kevin Regamey, directeur de Power Up Audio (l’équipe qui a réalisé le sound design de Celeste), révèle que presque chaque matériau du jeu a nécessité des enregistrements dédiés – “presque chaque surface franchissable dans le jeu a sa propre panoplie d’effets sonores”, ce qui a impliqué beaucoup de sessions à cogner divers objets entre eux pour obtenir les sons voulus.
Un détail particulièrement apprécié des joueurs est le système de dialogues sonores de Celeste. Plutôt que d’avoir du voice-over classique (coûteux et potentiellement hors de propos pour un petit jeu au style rétro), les dialogues entre personnages sont rendus par des bips modulés qui évoquent des voix stylisées (un peu à la manière de Banjo-Kazooie ou Animal Crossing). Étonnamment, ces gazouillis électroniques arrivent à transmettre la personnalité et l’humeur des personnages (ton enjoué, nerveux, triste) par leur rythme et leur hauteur. C’est un bel exemple de sound design minimaliste mais efficace.
En somme, Celeste démontre qu’avec de la créativité et du talent, l’audio d’un jeu peut atteindre des sommets d’excellence technique et artistique, même sans budget colossal. La musique de Lena Raine et le sound design de Power Up Audio travaillent main dans la main pour offrir au joueur une expérience à la fois exaltante (chaque réussite est soulignée par l’OST comme une victoire personnelle) et émouvante (certains thèmes, comme “Resurrections” ou “Exhale”, accompagnent des moments narratifs intenses autour de la dépression et de l’amitié, et tirent presque les larmes). Celeste a indéniablement gravé son empreinte auditive dans le cœur des joueurs, prouvant que le son peut porter un game design et un propos bien au-delà de simples « jolis bruitages ».
Étude de cas n°2 – The Last of Us : Réalisme sonore et mélodies du désespoir
Passons à un tout autre registre de jeu, un blockbuster AAA maintes fois primé où le son joue un rôle tout aussi crucial : The Last of Us (Naughty Dog, 2013). Ce jeu d’action/aventure post-apocalyptique est souvent cité pour sa narration cinématographique et son atmosphère oppressante. L’immersion y est telle que le joueur ressent intensément la peur, la peine et l’espoir des personnages.
Comment The Last of Us parvient-il à un tel degré d’attachement émotionnel ? En grande partie grâce à sa direction audio exceptionnelle, conjuguant une musique poignante et un sound design ultra-maîtrisé. La bande originale du jeu, signée par le compositeur argentin Gustavo Santaolalla, a reçu un accueil dithyrambique – elle a notamment été nommée aux BAFTA Game Awards et récompensée aux SXSW Gaming Awards pour sa contribution musicale d’excellence. Gustavo Santaolalla, connu pour ses musiques de film (Brokeback Mountain, Babel – deux Oscars à son actif), a apporté à The Last of Us une approche sonore très intime et atypique dans le domaine du jeu vidéo.
Là où beaucoup de jeux d’aventure auraient opté pour une musique orchestrale grandiloquente, The Last of Us choisit l’épure : des mélodies fragiles jouées à la guitare acoustique (notamment un petit luth sud-américain appelé ronroco ou charango), ponctuées de nappes de cordes graves et de percussions sourdes. Le résultat est une bande-son minimaliste, mélancolique, qui évoque à la fois la solitude, la douleur de la perte, et une mince lueur d’espoir. Santaolalla a fait le pari de privilégier l’émotion sincère au lieu de souligner artificiellement la peur ou l’action – un choix audacieux étant donné qu’au départ The Last of Us pouvait être perçu comme un jeu de survie horrifique. Cette direction musicale toute en retenue a conquis les joueurs et critiques : elle “capture et définit parfaitement l’atmosphère d’un monde brisé et l’histoire de Joel et Ellie” grâce à sa beauté sparse et hantée. Le thème principal, avec ses quelques notes de guitare en écho, est instantanément reconnaissable et est devenu l’âme du jeu. Neil Druckmann, le directeur créatif de The Last of Us, a d’ailleurs déclaré que la musique faisait partie de l’ »ADN du jeu”– au point que pour l’adaptation en série télévisée (2023), il était impensable de ne pas réutiliser les compositions de Santaolalla tant elles sont associées à l’identité de l’œuvre. Santaolalla raconte lui-même que les fans du jeu ont développé un lien unique avec cette musique : “si on enlevait cette musique, ce serait comme retirer Joel ou Ellie de l’histoire”, exagère-t-il à peine, en soulignant que jamais il n’avait vu un public de jeu autant attaché à une bande-son qu’avec The Last of Us. En somme, la partition de Gustavo Santaolalla, tout en discrétion et en nuance, a su amplifier puissamment l’impact narratif du jeu – les moments de silence musical y sont aussi importants que les moments musicaux, chacun servant la dramaturgie avec une grande justesse.
Outre la musique, The Last of Us excelle par son sound design ultra-réaliste qui plonge le joueur dans son univers post-apocalyptique ravagé. Chaque son est travaillé pour renforcer l’immersion dans ce monde hostile où la civilisation s’est effondrée. Les concepteurs audio de Naughty Dog ont bâti le paysage sonore « from the ground up », selon l’expression du sound designer Derrick Espino : cela signifie que tout part du sol, littéralement – le bruit des pas de Joel qui crissent sur les planchers vermoulus, le son du verre brisé qu’il écrase en marchant, ou le clapotis de l’eau quand Ellie traverse une flaque. Ces sons de base ancrent le joueur dans l’environnement physique du jeu.
À cela s’ajoute l’ambiance : le vent s’engouffrant entre les immeubles en ruine, les oiseaux et la nature qui ont recolonisé les villes abandonnées, ou encore le silence pesant des intérieurs délabrés, juste troublé par quelques gouttes d’eau tombant du plafond. Puis viennent les bruitages spécifiques de gameplay : le cliquetis des douilles d’armes à feu sur le sol, le bruit mat d’une brique lancée pour distraire un ennemi, le raclement anxiogène d’une shiv (lame artisanale) qu’on sort de sa poche… Chaque son est à sa place, cohérent, et pourtant subtil – The Last of Us évite soigneusement le superflu ou l’exagération. Le point d’orgue du design sonore réside bien sûr dans les infectés, ces humains mutés par un champignon cordyceps qui peuplent le jeu. Parmi eux, les terrifiants Clickers (claqueurs) sont devenus emblématiques du jeu en grande partie grâce à leur sonorité inimitable. Ne pouvant plus voir, ces créatures aveugles émettent une série de cliquetis secs et irréguliers pour repérer leurs proies par écholocation – un peu à la manière de chauves-souris cauchemardesques. Ce son de cliquetis, mélange de gargouillements gutturaux et de craquements, met instantanément mal à l’aise. À peine le joueur l’entend-il au loin qu’il sent la panique monter, sachant qu’un Clicker rôde dans les parages. “Le son glaçant des Clickers signifie qu’ils vous traquent”, rappelle un article sur l’univers audio du jeu. Derrick Espino, qui a dirigé l’enregistrement et la conception sonore des infectés, confie que le son des Clickers est probablement son apport le plus marquant au jeu. “Beaucoup de sound designers rêvent de créer un jour un son iconique dont les joueurs se souviendront”, explique-t-il – et il se dit incroyablement chanceux d’avoir pu imaginer le bruit de ces créatures, devenu instantanément identifiable. On peut mesurer la réussite de ce design sonore au fait que les Clickers ont autant marqué les esprits que les personnages principaux du jeu. Sans jamais montrer frontalement un monstre particulièrement extravagant, The Last of Us a réussi à terroriser le joueur par le son seul. À tel point que même dans l’adaptation télévisée, la reproduction fidèle du clac-clac des Clickers a été unanimement saluée, car elle ravivait chez les spectateurs les mêmes angoisses éprouvées en jouant.
Au-delà des monstres, le sound design de The Last of Us joue un rôle subtil dans le gameplay du jeu. Il utilise de nombreuses astuces pour informer le joueur sans passer par l’interface. Par exemple, en mode “écoute” (écoute passive), le jeu accentue les bruits de pas et les grognements des ennemis à travers les murs, permettant de localiser les menaces de manière sonore. De même, l’absence de musique pendant certaines phases d’infiltration n’est pas un oubli : c’est un choix délibéré pour que le joueur tende l’oreille aux moindres indices sonores de la présence d’ennemis. Dans une séquence mémorable du jeu, les personnages découvrent un message codé transmis via des chansons à la radio (des musiques des années 80 indiquant un danger). Ce détail de scénario montre comment une chanson connue intégrée dans l’univers peut véhiculer de l’information narrative tout en renforçant l’ambiance (ici, un vieux tube qui contraste avec le monde apocalyptique et dont les paroles prennent un sens ironique).
En définitive, The Last of Us a su combiner excellence technique et intelligence artistique dans son audio. La musique de Gustavo Santaolalla, en se faisant discrète et authentique, amplifie l’attachement émotionnel aux personnages et l’impact des scènes clés. Le sound design, lui, façonne un univers sonore crédible et saisissant où chaque bruit raconte l’histoire d’un monde en ruine (un plancher qui craque = un vestige de la vie d’avant, un Clicker qui claque = la menace omniprésente du virus). Jouer à The Last of Us avec un bon casque revient à s’immerger dans un film interactif où l’on entend le danger avant de le voir, où le silence est parfois plus assourdissant que la plus grosse explosion. Ce n’est pas un hasard si, plus de dix ans après, The Last of Us est toujours cité en exemple pour la qualité de sa réalisation sonore – et que son thème principal au ronroco donne encore des frissons de nostalgie à des millions de joueurs.
Étude de cas n°3 – Hellblade: Senua’s Sacrifice : Une immersion sonore totale dans la psychose
Lorsque Ninja Theory a développé Hellblade: Senua’s Sacrifice (2017), l’objectif était d’offrir une représentation authentique des troubles psychotiques. Pour cela, le studio a collaboré avec des neuroscientifiques et des personnes atteintes de schizophrénie afin de recréer fidèlement les hallucinations auditives vécues par Senua, l’héroïne du jeu. L’un des éléments les plus marquants de cette approche est l’utilisation du son binaural, qui plonge le joueur dans une immersion sensorielle intense.
Dans Hellblade, Senua est constamment entourée de voix dans sa tête, appelées les Furies. Ces voix sont enregistrées avec un procédé binaural, ce qui signifie que lorsqu’on joue avec un casque, elles semblent venir de toutes les directions, chuchotant, criant ou murmurant directement à l’oreille du joueur. L’effet est troublant, car on a réellement l’impression d’être cerné par ces voix omniprésentes, qui ne cessent de commenter les actions du joueur :
- Encouragement : « Continue, tu y es presque. »
- Découragement : « Tu vas échouer, tout est perdu. »
- Manipulation : « Ils mentent, tu ne peux pas leur faire confiance. »
Ce design sonore unique permet non seulement de représenter les symptômes de la psychose, mais aussi de renforcer l’immersion du joueur, qui ressent une forme de stress et d’incertitude permanente, exactement comme Senua. Si la partie technique vous intéresse, les développeurs ont fait une vidéo explicative disponible ici.
L’autre particularité du sound design de Hellblade est qu’il ne se limite pas à l’ambiance : il influence également le gameplay.
- Indicateur en combat : Les voix préviennent Senua du danger, lui soufflant à l’oreille lorsqu’un ennemi attaque dans son dos. Cela remplace une interface traditionnelle avec des alertes visuelles, rendant l’expérience plus organique et viscérale.
- Résolution d’énigmes : Le joueur doit se fier aux indices sonores pour progresser. Certains passages nécessitent par exemple d’écouter attentivement l’environnement pour percevoir des sons qui guident vers la bonne direction.
Hellblade: Senua’s Sacrifice est un chef-d’œuvre de sound design, prouvant que le son peut être bien plus qu’un simple accompagnement : il peut être le cœur même de l’expérience de jeu. Son utilisation innovante de l’audio en fait un modèle à suivre pour tous les jeux cherchant à créer une expérience sensorielle et narrative immersive. Sa suite, Senua’s Saga: Hellblade II (voir notre test) va encore un peu loin en profitant des ressources du matériel de nouvelle génération.
Autres exemples marquants et héritage
Les trois cas précédents illustrent, chacun dans un style différent, comment musique et sound design peuvent hisser un jeu vers les sommets. Mais bien d’autres titres ont marqué l’histoire par leur travail audio novateur ou mémorable. En voici une sélection non exhaustive :
Halo: Combat Evolved (2001) – Ce FPS de Bungie a démontré l’importance d’un thème musical iconique dès son écran-titre. Qui ne connaît pas l’ouverture en chœur grégorien du thème de Halo ? Ce chant mystique immédiatement identifiable a contribué à forger l’aura épique de la série. En jeu, Halo utilise également une musique adaptative intelligente : les combats sont accompagnés de morceaux qui s’intensifient ou se calment selon la situation, renforçant l’adrénaline du joueur lors des affrontements puis redescendant pour les phases d’exploration. Marty O’Donnell et Michael Salvatori, les compositeurs, ont ainsi posé de nouveaux standards pour la musique de FPS, à tel point que la « signature audio » de Halo est devenue un élément culte de la culture jeu vidéo.
Silent Hill 2 (2001) – Côté horreur psychologique, la série Silent Hill (Konami) a repoussé les limites de l’utilisation du son pour susciter le malaise. Le compositeur Akira Yamaoka y mélange musique et bruitage dans une symbiose dérangeante : mélodies mélancoliques au piano, bruit blanc radio, sirènes hurlantes au loin, grincements industriels… Dans Silent Hill 2, certains des moments les plus terrifiants proviennent de sons incertains – un raclement métallique dont on ne trouve jamais la source, un souffle dans une pièce vide – laissant travailler l’imagination du joueur. Le sound design y est utilisé comme un vecteur de l’horreur invisible. Ce jeu a souvent été cité comme un chef-d’œuvre audio, prouvant qu’un bon design sonore peut instaurer une atmosphère oppressante plus efficacement que des monstres montrés à l’écran. De même, des bruitages simples comme le grincement d’une porte devenue signature de Resident Evil suffisent à mettre les nerfs en pelote – l’horreur vidéoludique s’est beaucoup appuyée sur le son pour imprimer la peur.
The Legend of Zelda: Ocarina of Time (1998) – Cet action-RPG de Nintendo a la particularité d’intégrer la musique directement au gameplay, via l’ocarina que le héros Link peut jouer. Apprendre de nouvelles mélodies et les jouer sur cet instrument permet de résoudre des énigmes ou de voyager dans le temps. Ce mécanisme a marqué les joueurs et lie indissociablement certaines mélodies (Zelda’s Lullaby, Song of Storms…) à des fonctions de jeu. Plus largement, la saga Zelda (composée en grande partie par Koji Kondo) est connue pour ses thèmes récurrents et mémorables qui reviennent d’épisode en épisode, créant une identité musicale forte sur plus de 30 ans. Ces musiques, jouées aujourd’hui en concert symphonique, montrent la durabilité de l’impact audio de ces jeux dans la culture populaire.
Red Dead Redemption 2 (2018) – Impossible de ne pas mentionner également l’évolution contemporaine des techniques audio dans ce western en monde ouvert de Rockstar. Red Dead 2 possède une bande-son adaptive extrêmement poussée : plusieurs compositeurs (Woody Jackson et d’autres) ont créé un système musical modulaire où des motifs se déclenchent en fonction des actions du joueur (balade à cheval tranquille, fusillade intense, nuit étoilée autour d’un feu de camp, etc.), le tout se fondant de manière organique. Le sound design est d’un réalisme maniaque – des bruits d’animaux sauvages aux cliquetis des éperons – et participe à l’immersion sensorielle totale dans l’Ouest américain du XIXᵉ siècle. Le jeu a d’ailleurs remporté de nombreuses récompenses pour son audio. C’est un exemple moderne de l’importance accordée à l’ambiance sonore pour donner vie à un open-world crédible.
Chacun de ces exemples (et il y en aurait tant d’autres, de Chrono Trigger à God of War en passant par BioShock ou Ori and the Blind Forest) illustre une facette du pouvoir du son dans le jeu vidéo. Que ce soit pour créer une identité mémorable (un thème musical que l’on peut fredonner des années plus tard), pour guider le gameplay de façon subtile, ou pour provoquer des émotions intenses, la musique et le sound design sont devenus des composantes aussi essentielles que les graphismes ou le gameplay lui-même.
Conclusion – La musique et le sound design au coeur de l’expérience JV
De la petite musique à 8 bits de nos jeux d’enfance aux envolées orchestrales interactives des superproductions actuelles, la musique et le sound design ont sans cesse gagné en ampleur et en sophistication, au point d’être aujourd’hui au cœur de l’expérience vidéoludique. Un jeu vidéo, c’est un média audiovisuel et interactif – on sous-estime parfois l’apport du son, car il agit de façon diffuse, presque inconsciente, alors qu’il est omniprésent. La mission du sound designer : être ce magicien de l’ombre qui, par une mélodie bien placée ou un bruitage ingénieux, va sublimer une scène de jeu, toucher le joueur au cœur, ou l’alerter d’un danger invisible. Les exemples de Celeste et The Last of Us, entre autres, montrent que le son peut être aussi narratif que l’image, aussi technique qu’artistique, et qu’il fait souvent la différence entre un bon jeu et un jeu inoubliable. Aujourd’hui, la reconnaissance du travail audio dans le jeu vidéo est à son apogée : les cérémonies de récompenses incluent des catégories “Meilleure musique” et “Meilleur design sonore”, des concerts symphoniques autour des musiques de jeux font salle comble, et le grand public commence à associer autant un jeu à sa bande-son qu’à ses personnages. L’importance du sound design dans l’expérience vidéoludique n’est plus à prouver – c’est une langue universelle qui parle aux joueurs du monde entier, transcendant les barrières linguistiques pour transmettre de la peur, de la joie, de l’émerveillement. La prochaine fois que vous lancerez un jeu, prenez un instant pour écouter attentivement ce qui vous entoure : les notes, les bruits, les silences… Ce sont les codes du jeu tout autant que les règles à l’écran, et ils façonnent votre aventure d’une manière souvent invisible mais fondamentale. En définitive, le son est l’âme du jeu qui, associée à l’interactivité, donne vie à des expériences dont on se souvient longtemps après que l’écran se soit éteint.
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