Bienvenue dans « Les Codes du Jeu », l’espace où nous explorons les fondements techniques et artistiques du jeu vidéo. Aujourd’hui, nous abordons un sujet important : le traitement de l’inclusion dans le jeu vidéo à travers les âges. De ses balbutuiments maladroits à ses avancées modernes, découvrez comment le médium a évolué pour (essayer de) mieux représenter la diversité du monde réel.
Table des matières
Le jeu vidéo, reflet de la société ?
Le jeu vidéo est souvent décrit comme un miroir culturel, reflétant les valeurs et les défis de son époque. Longtemps critiqué pour ses stéréotypes et son manque de diversité, ce médium a progressivement intégré des représentations plus inclusives et réalistes, devenant ainsi un espace d’expression pour des voix longtemps ignorées.
Les premiers pas : une inclusion maladroite (années 80-90)
Dans les premières décennies du jeu vidéo, l’inclusion était souvent inexistante ou maladroite :
- Représentations stéréotypées : Les rares personnages féminins étaient souvent hypersexualisés ou cantonnés à des rôles secondaires.
- Quelques pionnières : Samus Aran dans Metroid a marqué les esprits en révélant son identité féminine seulement à la fin du jeu, un twist qui reste emblématique.
- Une timide diversité : Chun-Li dans Street Fighter II est devenue la première femme jouable dans un jeu de combat, tandis que Barret Wallace dans Final Fantasy VII introduisait un personnage noir aux motivations complexes.
- Les antagonistes stéréotypés : De nombreux jeux présentaient encore des antagonistes caricaturaux, renforçant des clichés ethniques ou culturels. Par exemple, dans Operation Wolf ou Desert Strike, les antagonistes représentaient fréquemment des leaders ou soldats arabes simplifiés, souvent associés à des contextes de conflit géopolitique. Ces choix reflétaient des représentations simplistes et biaisées de ces cultures, influencées par les tensions internationales de l’époque.
Une prise de conscience progressive (années 2000-2010)
Les années 2000 marquent une étape importante dans l’intégration de l’inclusion :
- Des personnages complexes : CJ dans GTA: San Andreas est l’un des premiers protagonistes afro-américains d’un jeu AAA, offrant une perspective rarement vue à l’époque.
- Des relations LGBTQIA+ : The Sims a permis dès ses débuts des relations homosexuelles, ouvrant un espace de liberté inédit et faisant preuve de modernité face aux normes sociales de l’époque.
- Accessibilité croissante : Des jeux comme Fable ont introduit des systèmes de choix relationnels plus ouverts, tandis que les premières options pour les joueurs en situation de handicap faisaient leur apparition.
Ces avancées ont posé les bases d’une meilleure représentation pour les années à venir.
L’inclusion comme pilier central (2010 – aujourd’hui)
Depuis 2010, l’inclusion est devenue un pilier central de nombreux jeux :
- Des récits inclusifs : The Last of Us Part II met en avant des personnages LGBTQIA+ comme Ellie et Lev, brisant des tabous narratifs.
- Santé mentale : Celeste aborde avec subtilité l’anxiété et les luttes internes, offrant une dimension émotionnelle forte.
- Visibilité transgenre : Tell Me Why de Dontnod est le premier jeu AAA avec un protagoniste transgenre, développé en collaboration avec des consultants transgenres pour assurer une représentation authentique.
- Représentation non-binaire : Cyberpunk 2077, sorti en 2020, a introduit des options de création de personnage permettant de dépasser les binarités de genre traditionnelles. Les joueurs peuvent choisir des caractéristiques physiques et vocales indépendamment du genre, offrant une personnalisation plus inclusive.
Ces jeux ont non seulement été acclamés pour leur gameplay, mais aussi pour leur capacité à repousser les frontières de l’inclusion.
Inclusion et accessibilité : deux faces d’une même pièce
Si l’inclusion concerne la représentation des identités diverses, l’accessibilité vise à rendre le jeu vidéo jouable pour tous :
- Technologies d’accessibilité : Commandes adaptatives, options pour daltoniens, sous-titres personnalisables, et ajustements de difficulté dynamique. God of War Ragnarök et Forza Horizon 5 offrent par exemple des options d’accessibilité poussées, comme des paramètres pour la malvoyance et des commandes entièrement personnalisables.
- Périphériques dédiés : Le Microsoft Xbox Adaptive Controller, lancé en 2018, est un exemple majeur. Ce périphérique, conçu pour les personnes en situation de handicap, permet une personnalisation totale des commandes en fonction des besoins spécifiques des joueurs. Il s’est avéré révolutionnaire pour l’accessibilité matérielle.
- Des histoires inspirantes : De nombreux joueurs en situation de handicap ont témoigné de leur capacité à jouer grâce à ces technologies. Par exemple, Steve Saylor, un streamer malvoyant, a exprimé à quel point les options d’accessibilité de The Last of Us Part II lui ont permis de vivre une expérience immersive.
L’accessibilité n’est plus seulement un ajout, mais un point essentiel dans le développement des jeux modernes.
Les défis restants
Malgré les progrès, des défis persistent :
- Backlash : Certains jeux inclusifs ont subi des critiques virulentes et des campagnes de review bombing sur des plateformes comme Steam ou Metacritic. Cela impacte leur réputation et leur succès commercial. Un des exemples les plus concrêt est celui du personnage d’Abby dans The Last of Us Part II, jugée trop masculine et qui révèle une fracture culturelle persistante.
- Harcèlement en ligne : De nombreuses femmes ou personnes LGBTQIA+ travaillant dans l’industrie ou jouant en ligne subissent encore un harcèlement massif, découragées par des attaques sexistes. Cela limite leur participation et leur visibilité dans les espaces communautaires.
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- Inclusion dans les studios : Les équipes de développement manquent encore parfois de diversité, ce qui limite la variété des perspectives apportées aux projets.
Le jeu vidéo a parcouru un long chemin en matière d’inclusion, passant de stéréotypes maladroits à des récits nuancés et authentiques. Pourtant, le travail est loin d’être terminé. L’avenir du jeu vidéo sera, espérons-le, encore plus ouvert, représentatif et accessible à tous.